Une rencontre avec l'artiste aura lieu le jeudi 11 Avril à partir de 19H.
La galerie Robert Doisneau est accessible du lundi au samedi de 14H à 19H, et les soirs de spectacle.
« En adoptant la couleur, après trois décennies de travail en noir et blanc, William Ropp
prenait le risque de se perdre. De s’égarer dans un univers trop cru, trop réel pour ses
visions oniriques. D’échouer ce faisant à nous y entraîner à sa suite. Au contraire ! Nuls
réalisme ni trivialité dans cette nouvelle exposition. Les photographies de visages qu’on y
contemple ne sont pas des portraits. Certes, ils sont saisis le plus souvent en plan serré
ou en gros plan, statiques, parfois même frontaux, sur fond neutre et monochrome, selon
une scénographie minimale qui pourrait évoquer le photomaton, forme la plus réaliste,
la plus informative du portrait. Et les modèles de William Ropp semblent respirer
derrière le masque, la personne apparaître derrière le rôle. Leur beauté, aussi
charnelle que spirituelle, est bien de ce monde. Et l’on ne sait, à les contempler, si l’on
assiste à une transfiguration ou à une incarnation. Ces yeux vacants laissent tant de place
à la chair … »
Géraldine Schrepfer, in William Ropp, “Faces”, Les Editions de l’OEil, Paris, janvier 2012.
CLAIR - OBSCUR
Influencé par l’univers théâtral où il fait ses débuts avec la création de sa compagnie Théâtre X, William Ropp s’adonne à partir de 1988 à la photographie dans une grande fidélité technique des heures originelles du médium et c’est à Libération qu’il doit ses premières publications sous forme de carte postale.
Autodidacte, il dévoile des séries rendues possibles par un travail noir et blanc argentique dont il fait les propres tirages et qu’il associe à un miroir déformant ainsi qu’à son indissociable lampe de poche. Le “Sculpteur d’ombres” plonge ses modèles dans la pénombre, usant et s’amusant de cet objet fétiche pour créer un faisceau révélateur de forme et de vide. Sentiment dérangeant et étrange d’une mise en lumière onirique de l’âme humaine dans toute sa profondeur, sa singularité et son authenticité, il saisit l’Autre et donne à l’appareil photographique la puissance de capter « le rare moment de relâchement du sujet, l’apparition éphémère dans sa lutte intérieure du soi véritable » .
Dans un attachement au corps et au visage, inhérente à une fascination de l’enfance, le portraitiste laisse s’exprimer par un regard pénétrant —celui qui étymologiquement « ne parle pas » et permet à celui qui voit— une libre interprétation de cette inquiétude mystérieuse par l’absence totale de titre. « Cette dichotomie entre le ressenti du modèle, la volonté de l’artiste et la perception du spectateur, résume à elle seule toute l’ambivalence qui fait à mes yeux, la richesse de l’art » .
DE L'AILLEURS …
Nous sommes en 2006 lorsque William Ropp s’embarque pour un voyage dans les contrées africaines sur les traces de son grand-père, marquant un tournant dans son travail photographique. L’atmosphère close et rassurante du studio est délaissée au profit de la nature malienne et de ses étendues d’eau, métaphores probantes de vie et de jeunesse. Emportant avec lui sa chambre Linhof 10x12cm qu’il dépose sur les rivages et qu’il transforme en “ boîte à attraper les rêves ” pour les enfants qui la scrutent, intrigués, il poursuit sa quête de l’Être dans une vision animiste, où le corps entre en communion avec les éléments.
L’eau accueille l’enfant qui s’abandonne à elle ; le visage de ce dernier se mêlant aux feuilles de nénuphars qui la parsèment, les racines de l’arbre se faisant bras de Morphée et enceinte maternelle lorsqu’il s’y endort. Et l’enfant, comme possédé, offre parfois au photographe ces yeux d’un blanc innocent qui transpercent, frôlant le surnaturel. Cette transcendance du regard n’est pas sans rappeler l’envoûtante Afghane Sharbat Gula saisie par Steve McCurry. Loin d’exposer la misère d’un peuple, William Ropp se fait complice d’une magie et d’un don de soi sans artifice.
… A LA COULEUR
Après trois décennies en noir et blanc, William Ropp adopte la couleur et la pratique numérique en travaillant sur un Canon 5D Mark II et en découvrant toutes les capacités de la retouche, de l’image traitée totalement maîtrisée. Revisitant les thèmes qui lui sont chers par le prisme de la tradition picturale, William Ropp confronte aujourd’hui « l’hyperréalisme de la photographie aux ombres sculpturales de la peinture » .
Entre imaginaire et réalité, entre sommeil et éveil, le regard est capturé dans son essence, dans cet instant fugace qui suit les prémisses de la construction du rêve et conduit à sa révélation au monde, dans l’intimité de l’objectif. Une dominante bleue nous place face à une quête de William Ropp de retrouver ces “Blue Eyes” qui le caractérisent lui-même et qui laisse entrevoir une certaine nostalgie de sa propre enfance. Le travail du photographe s’articule autour d’une volonté de nous présenter une relique d’un temps révolu et d’espoirs secrètement gardés, qu’il sera possible de redécouvrir dans des temps plus lointain et d’admirer avec vénération. « Lui (W.R.) leur fournit le portrait dont ils auront besoin un jour pour confirmer leur jeunesse » .
Avec cette nouvelle production, William Ropp lève aussi le voile sur les visages des jeunes pensionnaires d'un institut pour enfants proche de Nancy, sur ceux de femmes rondes et de familles gypsies, et nous embarque dans un monde chromatique si luminescent qu’il en paraît surnaturel et criant de pureté à la fois.
« FACES »
« [•••] Jusqu’à un certain point, l’esthétique picturale des nouvelles photographies en couleur, qui facilite et souligne l’invocation des imageries chrétienne et légendaire (puisque c’est en grande partie la peinture qui a forgé, ou du moins fixé celles-ci) peut également servir cette interprétation. Jusqu’à un certain point … Car même atténuée, même dénaturée, la couleur confère plus de réalité, de matérialité au sujet. Et pour la première fois, certains modèles de William Ropp semblent respirer derrière le masque, la personne apparaître derrière le rôle. Leur beauté, aussi charnelle que spirituelle, est bien de ce monde. Et l’on ne sait, à les contempler, si l’on assiste à une transfiguration ou à une incarnation. Ces yeux vacants laissent tant de place à la chair … »
William Ropp est né en 1960 à Versailles ; il vit et travaille à Nancy. Outre l’exposition rétrospective que lui a consacrée la Maison Européenne de la Photographie début 2012 qu’il convient de rappeler ici —Le sculpteur d’ombres), William Ropp fait l'objet de nombreuses expositions individuelles et collectives à travers le monde. Certaines de ses photographies ont rejoint les plus grandes collections privées et publiques (Musée de la Photographie de Charleroi-Belgique, The Polaroid Collection-USA, The museum of fine art Houston-USA, Musée de l’Elysée de Lausanne-Suisse, etc).
Exposition au CCAM - Scène Nationale de Vandoeuvre